Extrait : Changement de cap

janvier 24, 2024

‘ En 1998, il avait postulé pour Aéroports de Paris, après avoir fait un stage dans cette entreprise. Durant un mois, à l’aéroport de Roissy, son rôle avait consisté à attendre que des enfants mineurs, voyageant seuls, se présentent sur un vol. On l’appelait alors pour qu’il les accompagne en salle d’embarquement. Il devait les remettre aux personnels responsables, ou bien les récupérer à la sortie de l’avion pour les amener aux personnes qui les attendaient.

Leur particularité était que, pour que l’entreprise accepte de prendre la responsabilité de ces enfants, ils devaient être âgés de moins de douze ans. On leur remettait alors une pochette « UM », pour unaccompaned minor, dans laquelle se trouvaient la pièce d’identité de l’enfant ainsi qu’un feuillet que le parent, qui l’avait amené, devait remplir précisément en indiquant qui il était et qui allait le récupérer à l’arrivée. Les entreprises travaillant dans le secteur de l’aéroport étaient extrêmement sensibles à cette question, car il en valait de leur réputation de garantir aux parents les termes du contrat.

Plusieurs d’entre elles avaient été condamnées parce que leurs agents s’étaient montrés trop laxistes et avaient remis des enfants aux mauvaises personnes. Beaucoup de ces jeunes, comme allait le constater Mèl en discutant avec eux, avaient des parents divorcés : ils faisaient la navette afin d’alterner les gardes, parfois les faisant voyager pour des destinations nécessitant plusieurs heures de vol. La question des enlèvements était l’un des cauchemars des compagnies aériennes, et c’est pourquoi elles insistaient pour que ces UM soient remis précisément à la personne mentionnée sur le feuillet.

Mèl aimait bien l’ambiance à l’aéroport. Cet endroit d’où des gens du monde entier se croisaient, le temps de quelques heures, avant de s’envoler pour des destinations lointaines, aux cultures différentes.

Quand il était petit, ses parents l’emmenaient souvent à l’aéroport d’Orly où une salle à l’étage permettait à tout le monde de voir les avions atterrir et décoller.

Il se souvenait de son premier vol :

Au moment où l’avion s’était mis à rouler sur la piste, il avait pris conscience qu’il n’avait pas le contrôle de la situation et que sa vie était entre les mains des pilotes. Il aurait pu en avoir peur ; mais déjà, à neuf ans, il avait intégré que si cela ne dépendait pas de lui, il était improductif de s’inquiéter. Il avait pu, dès lors, profiter pleinement du vol.

Ce sentiment de bien-être, dans ce lâcher-prise, ne le quitta plus à chaque fois qu’il allait voyager.

Il travailla à cette fonction, à l’aéroport, durant un mois. C’était pendant la période de la Coupe du monde, qui allait voir la France devenir championne. Il s’entendit si bien avec son responsable hiérarchique, Marc Jaumegarde, que celui-ci lui remit un rapport de fin de stage, dans lequel il avait indiqué qu’il avait excellé à toutes ses tâches. Il avait rajouté qu’il le recommandait chaudement.

– J’espère que cela pourra t’aider à intégrer l’entreprise, lui avait-il confié, mais même si tu y arrives ne te fais pas trop d’illusions sur l’avenir.

– Ah bon, lui demanda Mèl. Et pourquoi donc ?

Son responsable l’avait regardé avec fatalisme :

– Il va y avoir une ouverture à la concurrence et cela veut dire qu’il y aura plus de compétition. L’escale n’est pas assez rentable pour ADP.

– Mais c’est quoi les activités d’Aéroports de Paris ? ‘